Un grand voile de soie ondule sous le vent,
Les fibres de son tissu vous entraînent dans leur histoire,
Mais la porte ne s’ouvre pas si facilement,
Il vous faut quelques clés, une, deux, parfois trois.
Savoir regarder, caresser du regard,
Pouvoir murmurer à son oreille, je suis là,
Nous sommes enfin ensemble, je t’écoute, je te sens,
Nous ne faisons qu’un. Vous avez compris j’en suis sûr,
Je parle de la mer, de qui d’autre fût-il possible.
La mer est sauvage mais elle a besoin de tendresse,
La mer est calme et douce, il faut trouver les mots
Pour la bercer. Vous allez onduler à sa surface.
Elle va devenir impitoyable si vous la trahissez.
Le marin le sait, le marin la connaît,
il rit, il pleure avec elle, il s’engueulent aussi,
Ils crient et hurlent ensemble,
Mais s’écoutent, se rassurent,
Ils murmurent leurs secrets à l’oreille de l’autre.
Le bruit du vent couvre les mots doux,
Il couvre aussi les mots moins tendres.
Même dans le brouhaha de l’orage et des tempêtes
Ils se comprennent, ils ne font qu’un.
La mer est la deuxième épouse du marin,
Beaucoup pensent qu’elle est même la première.
Quand le marin rentre au foyer, fatigué, exténué,
Les os brisés par les violents coups portés par les vagues,
La mer ne le quitte pas pour autant,
Il ne pense qu’à repartir, son épouse le sait.
Le cri des oiseaux qui déchirent le ciel nuageux,
Les embruns qui lui claquent à la figure,
La houle qui le secoue comme un prunier,
Rien ne l’empêche de reprendre le large.
Dans un soupir parfois profond et triste que lui seul ressent,
Impatient et parfois fébrile, il sort d’un rêve
Pour repartir tôt, très tôt alors que la nuit,
N’est pas encore finie. Il quitte le lit bien chaud
Où dort encore son épouse, pour rejoindre
Sa compagne Océane. Il lui murmure tendrement,
Je te l’avais bien dit, je reviendrai.
Le marin est un infidèle.
Son bateau, une fois de plus va fendre le voile de soie,
Je savais que tu reviendrais.
Les oiseaux de mer sont déjà dans le ciel,
Leurs cris résonnent dans le petit port.
Le marin largue les amarres,
Ses mains rugueuses enroulent la corde,
Son ciré le protège de la pluie battante et froide,
La cigarette aux lèvres, le quai s’éloigne,
Une fois de plus, une fois encore.
Pascal Jaugeon, 12 mai 2020